Le rap a de toute éternité été
perçu par les médias comme une musique de contestation sociale,
issue d'un contexte économique difficile, fruit de l'immigration et
du métissage, ce en Amérique autant qu'en Europe. Cette culture vue
comme un moyen d'expression émancipée des noirs, des arabes ou des
latinos est cependant un vecteur d'universalité et il n'y a pas
besoin d'être noir, marron, jaune ou vert pour se reconnaître dans
son énergie et ses valeurs.
Aujourd'hui, je vais donc ouvrir une
parenthèse pour mettre en évidence ceux qui ont été décrits
comme des éminences grises satanistes du milieu du disque, je
prendrai comme exemple les propos d'Ice Cube concernant Jerry Heller,
manager de N.W.A. Et co-fondateur du label Ruthless Records avec Eazy
E . Le glaçon a clairement comparé son ancien manager au diable et
au long de sa carrière, il n'aura de cesse de le pointer du doigt
dans ses morceaux.
Commençons par Blood Of Abrahm, groupe
signé sur le label évoqué plus haut, Ruthless. Ce groupe composé
de falashas est un appel à l'union entre les juifs et les noirs. Le
jeune Will 1X, mieux connu aujourd'hui comme Will.i.am,
y fait ses premières armes sur disques au coté de Eazy E qui fait
une apparition sur le singles « Niggaz And Jews (Some Say
Kikes) ». Annonçant clairement la couleur, l'intro est un
enregistrement d'un discours d'un membre du ku klux klan lançé dans
une diatribe antisémite.
Passons les plus connus
pour nous consacrer à des MC's un peu plus underground. Necro
par exemple expose son judaïsme de façon choquante en l'opposant à
la culture américaine W.A.S.P. ancrée dans le protestantisme. Des
punchlines comme « I drink bloody mary from Jesus' mom's
pussy » ou bien le « I wish you a merry crucifixion,
Jesus ain't nothing but a corpse to me » ou bien le morceau
« Jewish Gangsters » montrent non seulement son
antagonisme par rapport aux valeurs chrétiennes de son pays mais
aussi un attachement profond à son identité religieuse et
culturelle. Dans celui ci, il parle sans détour de sa grand mère survivante de l'holocauste et aussi de son père qui est arrivé à new york avec une mentalité militaire héritée de la guerre des six jours.
Sous un jour plus parodique, le
québécois SoCalled n'en affiche pas moins ses couleurs car même
sur un ton humoristique, ses racines restent omniprésentes, que ce
soit dans l'utilisation de samples de musique traditionnelles comme
le klezmer ou certains mots d'argot empruntés à l'hébreu ou au
yiddish. Dans une interview pour le magazine Mondomix il l'évoque
ainsi: « J'ai
commencé à créer mes propres jewishs
beats,
à partir de tout un tas de sources : théâtre yiddish, chant
litturgique, musiques hassidiques, israéliennes, klezmer, folklore
roumain... Mais ça ne me suffisait pas. Il me fallait apprendre à
jouer ces musiques, pour comprendre d'où venait la force brute de
cette pulsation, de ces mélodies. C'est capital. Chaque DJ devrait
se plonger à la source, ne pas se contenter de piller les sons à
l'aveugle. C'est comme coucher avec une fille sans connaitre ni son
nom, ni son âge. Criminel. »
Le paroxysme parodique identitaire est
atteint par le groupe 2 Live Jews, parodie de 2 Live Crew, qui
reprendra « Hava Nagila » version miami bass ou bien le
morceau titre de leur album « As Kösher As They Wanna Be »
qui en fin de compte n'est qu'une liste de clichés divers et variés
mais tournée avec un second degré et une dérision qui résonnent
comme un duo entre Larry David et Woody Allen sous weed et bière.
Loin des protest songs d'un Robert
Zimmerman ou d'un Leonard Cohen, ces MCs juifs se foutent de
s'inscrire dans leur époque ou leur société pour plutôt jeter
leur patrimoine à la gueule du mouvement hip hop, s'affichant
parfois comme une minorité dans la minorité malgré de francs
succès comme Drake ou les Beastie Boys.